Coordination Eau Île-de-France Bagnolet le 27 janvier 2011
Jean-Claude Oliva
78 av Raspail
93 170 Bagnolet
Mouvement national de lutte pour l’environnement (MNLE 93)
Michel Lamboley
6 rue Jules Auffret
93 500 Pantin
Mouvement Utopia
Edith Félix
135 rue Anatole France
93170 Bagnolet
M. Bertrand Kern,
Président de la Communauté d’agglomération d’Est Ensemble
Quadrium
100 avenue Gaston Roussel
93230 Romainville
OBJET : Recours gracieux aux fins d’annulation de la délibération portant sur la "demande d'adhésion de la communauté d'agglomération au Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF)", référence N°2010/11/30-10
Courrier recommandé avec AR.
Monsieur le Président
Par délibération N°2010/11/30-10 en date du 30 novembre 2010 portant sur la "demande d'adhésion de la communauté d'agglomération au Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF)", le Conseil communautaire de la CAEE, par 53 voix pour et 38 contre, a décidé d’acter l’adhésion de la CAEE au SEDIF, aux fins d’assurer la distribution d’eau potable aux 400 000 usagers de la Communauté d’agglomération d’Est Ensemble.
Dans la mesure où le SEDIF a signé pour une durée de 12 ans en juin 2010 un nouveau contrat de « régie intéressée » avec l’entreprise VEOLIA, l’adhésion de la CAEE au SEDIF entraîne que le service public de l’eau sur le territoire de la CAEE est délégué à l’entreprise VEOLIA pour une période indéterminée, mais qui semble pouvoir perdurer durant les 12 années d’effectivité du contrat de régie intéressée précité signé en juin 2010 entre le SEDIF et l’entreprise VEOLIA.
Après un examen minutieux des différents éléments ayant pu être rendus publics dans le courant de cette procédure, nous estimons que, conformément à l’objet de notre association (annexe 1), nous sommes fondés à vous présenter un recours gracieux afin de vous demander de bien vouloir procéder à l’annulation de la délibération précitée.
Nous considérons, en effet, que cette décision d’adhésion au SEDIF, contestable sur le plan de la légalité externe, est entachée d’un excès de pouvoir et d’erreur manifeste d’appréciation, imputable pour partie à la manière dont le processus qui s’est conclu par cette adhésion a été conduit.
En créant la communauté d’agglomération d’ Est Ensemble (CAEE), les 9 communes de l’est parisien ont transféré, de manière volontaire la compétence eau à la nouvelle agglomération. Elles ont donc de ce fait cessé d’être membres à titre individuel du SEDIF, (dont le contrat est délégué à l’entreprise VEOLIA, originellement Générale des eaux, depuis 1923), comme c’était le cas auparavant.
Cette précision liminaire est d’importance : elle traduit la volonté « ab initio » de la nouvelle Communauté d’agglomération de remettre en cause éventuellement la situation précédente, et engageait donc, par principe, à étudier les différents scénarios qui pouvaient s’offrir à elle à l’avenir : une adhésion au SEDIF, non des 9 communes à titre individuel, mais cette fois de la communauté d’agglomération qu’elles ont constitué, un rapprochement avec Eau de Paris sous forme par exemple de syndicat mixte, et éventuellement différents scénarios intermédiaires, soit de l’achat d’eau en gros au SEDIF ou à Eau de Paris et la création d’une régie communautaire…
Il s’agissait donc, par principe, dès la prise de compétence « Eau » par la Communauté d’agglomération, de se donner les moyens, par une comparaison technique multicritères entre gestion publique et privée, de déterminer quel serait le mode de gestion qui offrirait la meilleure qualité de service aux usagers, au meilleur coût.
L’éventail était donc en principe très ouvert mais, dès l’abord, plusieurs contraintes ont pesé sur la suite du processus.
La distribution de l’eau a continué dans le cadre d’une convention provisoire avec le SEDIF courant jusqu’au 31 décembre 2010. Cette échéance s’est rapidement transformée en date-butoir, instrumentalisée par les tenants d’une adhésion au SEDIF comme l’échéance avant laquelle une décision devait à toute force être prise. Ce qui n’allait pas manquer de peser sur le principe et les conditions concrètes de réalisation d’une étude des différents scénarios envisageables.
Longtemps occulté un autre enjeu se sera révélé déterminant.
La création de la CAEE et le retrait du SEDIF de ses neuf communes sont intervenus alors que l’appel d’offres pour le renouvellement du contrat du SEDIF n’était pas arrivé à son terme.
Les deux leaders, VEOLIA et Suez demeuraient seuls en lice dans un combat frontal.
Le retrait de la CAEE du périmètre du SEDIF a entraîné une modification du cahier des charges dans la dernière ligne droite de l’appel d’offres formé par le SEDIF. Il était demandé aux deux postulants, les entreprises Suez et VEOLIA, de proposer une offre incluant, dans l’optique de leur ré-adhésion future, une fois le contrat attribué, les 9 communes d’Est Ensemble, l’autre excluant cette hypothèse.
A trois mois de la décision du SEDIF en faveur de VEOLIA ou Suez cette nouvelle contrainte a pesé en faveur de VEOLIA, régisseur historique depuis 1923, qui était mieux à même d’élaborer cette double offre en un temps record, et qui l’a finalement emporté en juin 2010, signant un nouveau contrat d’une durée de 12 ans.
Dès lors un nouvel élément a immédiatement pesé sur le choix futur d’Est Ensemble, qui allait devoir décider, cette fois en qualité de communauté d’agglomération, d’adhérer ou non au SEDIF, après l’avoir quitté en janvier 2010, du seul fait du transfert de la compétence Eau par ses 9 communes constitutives à la Communauté d’agglomération.
Le SEDIF et VEOLIA annonçaient rapidement en effet que pour un prix actuel de 1,73 euros le m3, dans l’hypothèse d’une ré-adhésion d’Est Ensemble, celui-ci « baisserait » jusqu’à 1,41 euros le m3 dans les 143 communes du SEDIF. Si Est Ensemble, en revanche, n’adhérait pas, le prix s’établirait à 1, 51 euros le m3.
Dès lors un véritable chantage s’est donc exercé sur les élus d’Est Ensemble, tenus pour responsables, dans l’hypothèse d’une non adhésion, du fait que 4 millions de Franciliens paieraient leur m3 d’eau 1,51 euros m3, et non 1,41 euros le m3.
Le lancement de l’étude technique présentée comme nécessaire avant que les élus de l’exécutif communautaire puissent se prononcer, a tardé, et l’appel d’offres n’a été lancé que le 23 mars 2010 par la CAEE.
Le cahier des charges, exhaustif, aurait normalement requis, au vu des règles de l’art du secteur, une année d’études…
La date de réception des offres était fixée au 7 mai 2010.
La date initiale de remise du rapport de synthèse était fixée au 21 juin 2010.
Il ne sera remis que le 7 juillet 2010.
Il apparaît sans équivoque aucune que les prescriptions du cahier des charges n’ont pas été respectées par le Groupement de bureaux d’études qui a remporté le marché.
Il s’agissait notamment d’analyser plusieurs scénarios possibles pour le choix du futur mode de gestion.
Or, à la date du 7 juillet 2010, le groupement en charge de l’étude n’avait pas contacté Eau de Paris, qui faisait figure de seule alternative crédible à une adhésion au SEDIF, ce qui peut être attesté par Eau de Paris, qui l’a publiquement répété à plusieurs reprises.
Cette étude s’est avérée erronée en de nombreux points et totalement partiale, orientée vers une adhésion au SEDIF, occultant la possibilité de la signature d’une nouvelle convention provisoire de 2 ans, qui aurait pu être signée entre la CAEE et le SEDIF, avec prise d’effet au 1er janvier 2011.
Plusieurs élus et associations d’usagers ont rendu publiques dès l’été 2010 des critiques argumentées de ce rapport d’étape intermédiaire outrageusement partial.
Les élus communautaires reconnaîtront ensuite les erreurs et la partialité de cette étude dans les différents débats publics organisés à dater de septembre 2010…
S’ensuivra une période de vive tension au sein des différentes instances d’Est Ensemble concernées : comité des maires, groupe d’étude ad hoc, etc.
A ce stade, alors que son contenu a été dénoncé publiquement par des associations d’usagers et des élus, les 91 conseillers communautaires de la CAEE n’ont toujours pas eu connaissance officiellement du contenu de ce rapport d’étape !
Du coup le dispositif de concertation prévu au cahier des charges de l’étude est purement et simplement annulé. Il prévoyait explicitement des présentations et débats dans les 9 communes, ce qui n’aura jamais lieu.
Les engagements de l’appel d’offre ayant conduit à l’attribution du marché d’études au groupement Calia Conseil-Hydratech-Sartorio ont dès lors ouvertement été bafoués par l’exécutif de la CAEE, éléments constitutifs de l’excès de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation que dénonce le présent mémoire aux fins d’annulation de la délibération citée en référence.
Alors que de nombreuses réunions publiques se sont tenues dans la période sur tout le territoire de la CAEE, à l’initiative de la société civile, et des élus et groupes politiques minoritaires au sein d’Est Ensemble, le bureau d’études a finalisé dans des délais « record » son rapport « définitif » qui a été adressé par courrier électronique aux 91 conseillers communautaires le 19 octobre 2010.
Son contenu était en bien des points totalement contradictoire avec celui du rapport d’étape initial.
Il apparaissait cette fois envisageable, en effet, d’opter pour une autre solution que l’adhésion au SEDIF…
Dès lors une situation particulièrement floue est apparue sur plusieurs points, la majorité du conseil communautaire défendant que :
une nouvelle convention provisoire avec le SEDIF serait impossible pour des raisons juridiques, techniques et financières, ou simplement parce que le SEDIF la refuserait et que la CAEE n’aurait aucun moyen de l’y contraindre ;
il serait possible d’adhérer au SEDIF et d’en sortir (dans un délai de 2 années) dès que les études techniques auraient démontré la faisabilité d’un retour à une gestion publique de l’eau ;
ce serait le seul moyen pour assurer la continuité d’approvisionnement en eau au 1er janvier 2011 et les usagers de la CAEE bénéficieraient dès lors du « tarif préférentiel » que VEOLIA a (prétendument) accordé au SEDIF dans le cadre de la nouvelle DSP (1,41 €/m3 HT au lieu de 1,75) ;
ne pas adhérer au SEDIF obligerait à passer un appel d’offres pour l’entretien des réseaux et la facturation, et à contracter avec VEOLIA puisqu’il serait le seul capable de le faire pour ces 9 communes. Il serait alors en position de force pour pratiquer des prix élevés.
Les élus minoritaires répondant que :
rien n’empêchait de signer une nouvelle convention provisoire de deux ans et que le SEDIF n’était pas en position de pouvoir la refuser ;
c’était la seule solution pour ne pas redevenir prisonniers du SEDIF et donc de la gestion privée de l’eau confiée à VEOLIA dont les élus s’accordent majoritairement pour dénoncer les abus (surfacturations, augmentations du tarif, risques sanitaires) ;
il n’y avait donc aucun risque d’interruption de la distribution de l’eau car le préfet prendrait évidemment des mesures de réquisition pour raisons d’ordre public sanitaire ;
les tarifs promis par VEOLIA sont assortis d’une clause de révision trimestrielle et rien n’empêchera que les prix augmentent dès avril 2011 sans possibilité de les contester.
L’imbroglio était tel que des élus socialistes dont M. Bonnet et surtout Mme Guigou ancienne garde des sceaux, députée et conseillère communautaire, se sont prononcés publiquement le 20 novembre 2010, soit trois jours avant le vote initialement prévu le 23 novembre 2010, pour « une convention à durée déterminée de 2 ans », contre l’avis majoritaire du groupe socialiste de la CAEE présidé par M. Roger, maire de Bondy.
Le groupe écologie et citoyenneté adressait une délibération alternative proposant de soumettre au vote la signature d’une convention provisoire de 18 mois débutant en juin 2011. M. Kern, président de la CAEE, la refusait comme le lui permet le règlement intérieur.
Le 9 novembre 2010 le conseil communautaire se réunissait pour débattre du mode de gestion de l’eau. Très majoritairement, les interventions repoussaient l’adhésion au SEDIF et se prononçaient pour une nouvelle convention provisoire. Ce qui n’empêchait pas M Kern, président de la CAEE, de conclure le contraire. Du coup, pour les séances suivantes, les interventions seront limitées à deux prises de paroles par groupe politique…
Par ailleurs, le 12 novembre 2010 M. Laparre, directeur de cabinet de M. Kern répondait par mail à la coordination Eau Ile de France que la CCSPL ne serait pas réunie avant le vote du 23 novembre 2010, ce qui est contraire à l’article L.1413-1 du CGCT. Elle n’a en effet jamais été réunie depuis sa création sur ce point.
La CAEE reprenait les arguments de Maître Sartorio, membre du groupement d’auditeurs, affirmant que la consultation de la CCSPL n’était pas obligatoire puisqu’elle avait déjà été consultée par le SEDIF, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres initié par ce dernier, aux fins de conclusion d’un contrat de régie intéressé qui sera ultérieurement attribué, en juin 2011, à l’entreprise VEOLIA.
Le 23 novembre 2010, des citoyens et militants associatifs perturbaient pacifiquement la séance du conseil communautaire et M. Kern décidait « après avoir consulté les présidents des groupes politiques de la CAEE […] de reporter la séance».
A noter que ce même jour, 23 novembre 2011, chaque élu communautaire avait sur sa table une lettre du SEDIF détaillant une argumentation technique et juridique pour l’adhésion au SEDIF, ce qui constitue un élément ayant à l’évidence contribué à fausser la neutralité du vote.
Dès le 25 novembre 2010 les conseillers communautaires d’Est Ensemble recevaient une convocation pour une nouvelle séance fixée au 30 novembre 2010, avec un ordre du jour identique, la délibération alternative proposant une convention provisoire ayant encore été refusée par M. Kern, président de la CAEE..
Le 30 novembre 2010, dès 19h00, plus d’une cinquantaine d’agents de sécurité d’une société privée étaient présents pour interdire l’entrée de la salle où devait se tenir le Conseil communautaire à Romainville. Un huissier ainsi qu’une caméra destinée à filmer la séance avaient aussi été mobilisés.
Alors que la séance devait débuter à 20h30, consigne était donnée à ces vigiles de ne faire entrer le public qu’à partir de 20h25. Plus grave, ils ont procédé à des fouilles corporelles et inspection des sacs en toute illégalité au regard de la Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité. Cela a entraîné de nombreuses violences avec des blessés légers, dont au moins une élue Mme Badoux, vice-présidente de la CAEE.
De nombreux citoyens préféraient dès lors ne pas assister à cette séance publique plutôt que de se faire fouiller et cela fut dénoncé en séance par M. Bernard, vice-président de la CAEE. La ou les société(s) employant ces agents de sécurité n’est toujours pas connu et un courrier en recommandé à été adressé au préfet de la Seine-Saint-Denis pour vérifier le cadre légal de leur intervention.
De nombreux conseillers communautaires ont en outre regretté l’absence de la délibération alternative proposant une convention provisoire avec le SEDIF.
M. Pierre Desgranges, vice-président de la CAEE, interpellait l’ensemble du conseil communautaire sur l’ambiguïté de rédaction de la délibération n° 9 soumise au vote qui évoquait le « maintien d’Est ensemble dans le SEDIF » alors qu’Est ensemble n’était au moment du vote de cette délibération qu’en convention provisoire avec le SEDIF et que cette rédaction anticipait donc le résultat du vote de la délibération 10 proposant l’adhésion au SEDIF.
La délibération n°10 fut votée par 55 voix (dont les voix de Mme Guigou et M. Bonnet s’étant pourtant implicitement exprimés contre ce choix) contre 38.
Au lendemain d’un vote acquis sur la promesse formelle de réexaminer dans deux ans les différentes options possibles (soit l’adhésion « définitive » au SEDIF, soit une gestion publique), dans un article paru dans le quotidien Les Echos du 2 décembre 2010 M. Santini, président du SEDIF répondait à la possibilité d’une éventuelle sortie anticipée de la CAEE du SEDIF : « Ce ne sera pas possible juridiquement. L’adhésion est conclue pour la durée du contrat, c’est-à-dire douze ans ».
Lors même que le SEDIF, le groupement de bureaux d’études Calia-Hydratech et Sartorio et l’exécutif majoritaire d’Est Ensemble avaient unanimement et catégoriquement exclu toute possibilité légale de signature d’une nouvelle convention provisoire, un projet de convention provisoire de la CAEE avec le SEDIF, en attendant l'arrêté préfectoral actant l'adhésion, «était examiné en bureau communautaire le 8 décembre 2010…
Le bureau du SEDIF devait en effet examiner la demande d’adhésion d’Est Ensemble le 16 décembre 2010 et l’acceptait bien évidemment évidement sans coup férir.
Ensuite les 130 communes actuellement membres du SEDIF devront valider cette adhésion dans un délai incompressible de 3 mois. La signature d’une nouvelle convention provisoire, qui s’articulera avec le nouveau contrat de régie entre le SEDIF et VEOLIA qui prendra effet le 1er janvier 2011, redevenait donc tout à fait possible dès lors qu’il s’agit d’adhérer au SEDIF, lors même qu’elle était réputée impossible dès lors qu’il se serait agi de le quitter…
Pour tous ces motifs, et d’autres à pourvoir si nécessaire, il apparaît que la décision d’adhésion au SEDIF, déterminée par la délibération précitée N°2010/11/30-10 en date du 30 novembre 2010 portant sur la "demande d'adhésion de la communauté d'agglomération au Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF)", est entachée d’un excès de pouvoir et d’erreur manifeste d’appréciation.
En conséquence nous vous demandons, Monsieur le Président, de saisir le conseil communautaire de la CAEE aux fins d’annuler la délibération précitée en date du 30 novembre 2010.
Jean-Claude Oliva
président de l’association « Coordination Eau Ile-de-France »
Michel Lamboley
président de l’association « Mouvement national de lutte pour l’environnement » ((MNLE 93)
Edith Félix
membre du bureau national de l’association « Mouvement Utopia »
Copie à M. le Président du SEDIF
Copie à Monsieur le Préfet de la Seine-Saint-Denis
Copie à Mesdames et Messieurs les conseillers communautaires de la CAEE.